Lors du premier jour du procès des procurations frauduleuses liées aux municipales de 2020 à Marseille, le tribunal a cherché à comprendre comment 51 résidents fragiles d’un Ehpad ont pu voter par procuration en faveur des colistiers de Martine Vassal, candidate LR à la mairie. L’enquête met en lumière des pratiques douteuses impliquant l’équipe de campagne et le personnel de l’établissement.
Un vote sous manipulation ?
Marlyse, une femme dont la mère, Odette, résidait dans un Ehpad du 12ᵉ arrondissement de Marseille, raconte comment son frère a trouvé dans la chambre de leur mère, âgée de 92 ans, un document administratif indiquant qu’Odette avait été transférée sur une nouvelle liste électorale. Pourtant, selon Marlyse, sa mère, atteinte de démence, n’avait plus la capacité de prendre de telles décisions. Elle découvre que sa mère, initialement inscrite dans la petite commune de Cadolive, avait été transférée comme électrice des 11ᵉ et 12ᵉ arrondissements de Marseille, un fief de la droite locale.
Méfiant, Marlyse vérifie lors du premier tour si quelqu’un a voté à la place de sa mère. Si, dans son cas, cela n’a pas eu lieu, 51 autres résidents de cet Ehpad ont voté par procuration, selon les enquêteurs. Le président du tribunal a exprimé sa surprise en constatant que 20 de ces résidents, entendus par les enquêteurs, ne reconnaissaient ni les procurations ni les personnes mandatées pour voter à leur place. Plusieurs autres résidents étaient incapables de répondre, en raison de maladies comme Alzheimer.
Un réseau de procurations suspect
Taoufik El Khemiri, l’ancien directeur de l’Ehpad, est accusé d’avoir facilité ces procurations frauduleuses. À la barre, il nie toute implication. Pourtant, des messages révélés au tribunal montrent une communication suspecte entre lui et l’équipe de campagne de Julien Ravier, alors candidat aux municipales. Dans un SMS envoyé à Richard Omiros, directeur de campagne de Ravier, El Khemiri écrit : « On va pouvoir avoir 91 électeurs. » Ce message, ainsi que d’autres échanges avec des responsables de la campagne, suscitent des soupçons sur son rôle actif dans la manipulation des procurations.
Des signatures falsifiées et des documents douteux
Joëlle Di Querico, secrétaire au sein de la mairie des 11ᵉ et 12ᵉ arrondissements, raconte également des pratiques douteuses. Elle affirme avoir reçu l’ordre d’imiter les signatures des résidents de l’Ehpad à partir de photocopies de leurs papiers d’identité, pour remplir les procurations en leur absence. D’après l’enquête, des formulaires de procuration vierges auraient été photocopiés en grand nombre à la demande de la hiérarchie de l’Ehpad, ce que conteste Taoufik El Khemiri.
Des protagonistes absents au tribunal
Plusieurs témoins clés de cette affaire ne se sont pas présentés au tribunal. Le policier chargé de tamponner les procurations, ainsi que deux autres figures impliquées, étaient absents pour des raisons médicales. Le directeur de campagne, Richard Omiros, hospitalisé en psychiatrie, n’a pas comparu malgré l’avis d’un expert indiquant qu’il était apte à assister au procès. Ces absences jettent un flou sur la suite des débats, qui doivent se poursuivre jusqu’à vendredi.
Ce procès met en lumière un système de procurations manipulé dans un contexte électoral tendu, soulevant de graves questions sur l’intégrité des élections municipales à Marseille en 2020.