Crise des urgences : « La gestion des lits brancards à l’hôpital présente de nombreuses similitudes avec celle des migrants »

Les réfugiés secourus en mer et les malades arrivant aux urgences sont victimes des mêmes préjugés. Et du même manque de volonté de prendre en charge ces personnes vulnérables, suggère le médecin urgentiste Pierre Hausfater, dans une tribune au « Monde ».

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La saison hivernale n’a pas encore commencé que le nombre de lits brancards dans les services des urgences parisiens a atteint un nombre jamais égalé en début de semaine. Cette situation n’est pas nouvelle, mais se trouve aggravée dans le contexte actuel de non-ouverture de 15 % à 20 % des lits d’aval des hôpitaux, en raison d’une incapacité à recruter du personnel paramédical pour les faire fonctionner.

Lit brancard : de quoi parle-t-on au juste ? Ce terme édulcoré désigne les patients ayant consulté dans les services des urgences, dont la prise en charge médicale aux urgences est terminée, se concluant par la décision d’admission à l’hôpital, mais qui, du fait de la saturation des lits d’aval, entament leur première nuit d’hospitalisation sur un brancard en attendant qu’un lit se libère. Dans le contexte actuel, cette décision d’admission prise par les médecins urgentistes est mûrement réfléchie, le plus souvent parce que le diagnostic posé nécessite un traitement hospitalier ou que le degré d’autonomie rend périlleux un retour au domicile.

Les lits brancards sont un énorme stress au quotidien pour les services des urgences et les établissements hospitaliers, mais s’accompagnent surtout d’une morbidité accrue, et malheureusement souvent de maltraitance, car la prise en charge n’y est pas optimale (le personnel des urgences continuant, en parallèle, à gérer le flux de patients entrants). Ils ne sont pas dignes du niveau de développement de notre système de santé en France. Du point de vue sociologique, la vision et la gestion actuelle de ces lits brancards présentent de nombreuses similitudes avec la crise des migrants, dont l’épopée du navire Ocean-Viking a été l’illustration récente.

Prise en charge dans une impasse

Comme ces migrants prenant la lourde décision de quitter leur pays d’origine pour prendre la mer, ces patients ont été contraints par la maladie ou un traumatisme de rejoindre le milieu réputé peu convivial d’un service des urgences. Avec, dans les deux cas, une demande d’aide légitime : humanitaire pour les uns, médicale pour les autres. Dans les deux cas, cette aide leur a été apportée efficacement dans un contexte d’urgence et de détresse : secourus par la patrouille d’un navire humanitaire pour les uns, pris en charge, diagnostiqués et traités par un SU pour les autres.

Et, dans les deux cas, la suite de la prise en charge en aval se trouve dans une impasse : pas de port autorisant l’accostage pour les uns, pas de lit d’aval pour les autres. De longues journées d’attente pour les uns, de longues heures pour les autres, dans des conditions de confort et de respect de l’intimité extrêmement précaires. On est peu ou mal nourri sur un bateau humanitaire ou dans un SU, on y dort mal, l’hygiène élémentaire doit se faire dans des conditions dégradées. C’est choquant pour toutes et tous ; mais encore plus à 92 ans dans un service des urgences, parfois pour y finir sa vie.

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