SOS pédopsychiatrie : quand les soignants cherchent des plans B pour mieux s’occuper des enfants

Depuis le Covid-19, la santé mentale de nos adolescents est mise à mal. Rien que sur les trois premiers mois de 2022, les passages aux urgences pour des tentatives de suicide d’adolescents ont augmenté de 25% par rapport à l’année dernière. Pourtant, il manque toujours autant de spécialistes…

Jean commence à bien connaître les couloirs de l’hôpital. Son fils, Fémi, a très mal vécu les confinements successifs. Un adolescent de 13 ans qui entend des voix et entre dans des très grosses colères. Mais avant d’être hospitalisé à l’hôpital Robert-Debré, à Paris, son père a dû se battre. Pousser des portes, refuser l’interminable attente. « Il a eu un premier problème une fois », explique-t-il. « On habitait à Clichy-la-Garenne. On est partis à l’hôpital Beaujon, il n’y avait pas de structure adéquate. Une collègue m’a alors expliqué qu’il existait des CMP, des centres médico-psychologiques. Là, aucune place de disponible. Même en ville, il y a des centres, mais qui s’occupent plus des adultes que des enfants. Il y a de moins en moins de spécialistes qui s’occupent des enfants, c’est problématique. »

Le délai d’attente pour une première consultation de 12 à 18 mois !

Depuis une semaine, Fémi dort à l’hôpital Robert Debré, il est très bien entouré. Une soixantaine de lits, 200 médecins, infirmières, aides-soignants, orthophonistes aux petits soins pour les enfants, une école pour ne pas totalement décrocher le temps de l’hospitalisation, des ateliers, des jeux, etc. Un cocon pour ces patients en grande difficulté, toujours plus nombreux et plus jeunes. Mais les places sont très chères. « Le délai d’attente pour une première consultation avec un pédopsychiatre ou un psychologue est souvent très long, peut être parfois de plusieurs mois, voire de 12 à 18 mois », concède le pédopsychiatre Vincent Trebossen.

Ce constat du manque de places et du manque de spécialistes pour prendre en charge les enfants est partagé par tous les soignants, à l’hôpital Robert-Debré comme partout en France. Mais la crise sanitaire a au moins permis de mettre en lumière la santé mentale des enfants.

Mieux former les parents à repérer les troubles anxieux

Le chef de ce service, Richard Delorme, en a bien conscience et plutôt que d’attendre des moyens l’Etat, il imagine déjà des alternatives à cette pénurie de soignants. « On ne peut pas simplement rester sur le simple constat des difficultés. Il faut changer la dynamique d’accompagnement des familles. Votre enfant ne mange pas, votre enfant ne dort pas, il fait des cauchemars, parfois vous n’êtes pas forcément obligés d’aller emboliser l’hôpital ou le cabinet d’un pédiatre qui est déjà surchargé. Vous pouvez trouver des solutions, on peut vous accompagner, transmettre des outils à chaque parent pour qu’ils se sentent plus capables d’accompagner leurs enfants. »

Ces soignants ont même mis sur pied un site, CléPsy, destiné à mieux accompagner les parents, avec des fiches pratiques sur les différents troubles que peuvent rencontres les enfants.

S’appuyer sur les parents quand le personnel manque, c’est l’une des solutions pour ces pédopsychiatres, comme l’explique Nathalie Tenne, infirmière en pratique avancée. Mais attention, dit-elle, les parents doivent être bien accompagnés par le personnel soignant. « Parfois pour les parents, le petit conflit qui va par la suite générer soit des troubles anxieux soit des idées suicidaires peut paraître complètement anodin pour eux », explique-t-elle. « C’est notre rôle de les former, qu’ils soient plus à même de parler des idées suicidaires avec leur enfant et aussi qu’ils soient capables de repérer un risque. »

Ne pas rester dans l’errance diagnostique

À l’hôpital Robert-Debré, les spécialistes de la pédopsychiatrie ont même mis sur pied des groupes de psychoéducation parentale. « Ils sont très bénéfiques parce que les parents apprécient vraiment de se retrouver entre eux », poursuit Nathalie Tenne. « Ils vivent les mêmes situations et c’est vraiment un espace de parole pour exprimer leurs questions et leurs angoisses. »

À l’étage, le papa de Fémi a pu voir son fils. Une heure pour lui parler. Il est rassuré, mais il sait bien que beaucoup de parents n’ont pas le même encadrement pour leurs enfants. « Je suis chanceux. Il est dans une structure. Il est accueilli, il a une prise en charge. Même si demain, il doit suivre un traitement à vie, au moins, je sais qu’il n’est pas à l’abandon. Et ça, c’est beaucoup plus qu’une thérapie », assure Jean. « Il y a des gens qui tapent à la porte et on n’arrive pas encore à diagnostiquer, à savoir ce que c’est. C’est un drame pour eux. » Et les pédopsychiatres en ont bien conscience, il faut agir et vite pour sauver cette jeune génération Covid. De peur de se retrouver, plus tard, avec de très nombreux adultes totalement désorientés.

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