Quelle solution face au variant indien ?

Depuis le 14 avril, le délai entre la première et la seconde injection de Pfizer et Moderna a été allongée à 42 jours. Sauf que la protection avec une seule dose est très faible face au variant indien.

Le variant indien B.1.617.2 va-t-il rebattre les cartes, alors que la France semble enfin sortie de la troisième vague et maitriser l’épidémie ? Au Royaume-Uni, la propagation de ce variant, devenu majoritaire, inquiète les autorités et pourrait remettre en cause la prochaine étape du déconfinement.

Ces derniers jours, le nombre de cas positifs, de décès et d’hospitalisations a augmenté de plus de 20% au Royaume-Uni. Si les chiffres restent très faibles, ils inquiètent. « Ce que nous voyons aujourd’hui, ce sont les signes précoces d’une vague” au Royaume-Uni, a mis en garde sur la BBC Ravi Gupta, spécialiste des maladies infectieuses et membre du Sage, le conseil scientifique britannique. En France, une centaine de cas ont jusqu’à présent été détectés.

« Il faut revoir la stratégie vaccinale »

« Il faut tirer les leçons des pays atteints par les variants avant la France pour adapter notre stratégie. Isolement des voyageurs ou pas, le variant indien va inévitablement se répandre sur notre territoire, comme le britannique l’a fait. Il faut revoir la stratégie vaccinale », estime le docteur Clarisse Audigier-Valette, responsable unité covid au centre hospitalier de Toulon (Var).

Dès le début de la campagne de vaccination, les autorités britanniques ont fait le choix d’espacer à 12 semaines les deux doses, quel que soit le vaccin afin d’immuniser en partie le maximum de personnes. Conséquence, si aujourd’hui 72% de la population majeure a reçu au moins une dose de vaccin, seulement 43% des Britanniques ont été vaccinés complètement, avec deux doses dans la majorité des cas.

Une seule dose de vaccin ne suffit pas face au variant indien

Or, plusieurs études montrent qu’il existe une nette différence d’efficacité des vaccins entre la première et la deuxième dose face au variant indien. Alors qu’une dose d’AstraZeneca ou de Pfizer ne protège qu’à 33% contre les formes symptomatiques, deux doses protègent à 60% pour le vaccin d’AstraZeneca et 88% pour le Pfizer.

 

En France, seuls 20,5% des adultes complètement vaccinés

La stratégie d’espacer les doses au maximum semble donc atteindre ses limites face au variant indien, d’autant plus que le vaccin AstraZeneca est le plus utilisé outre-Manche. Une stratégie en train d’être revue : les autorités britanniques ont réduit de 12 à 8 semaines l’espacement entre les deux doses pour les plus de 50 ans.

En France, la situation vaccinale est semblable, mais beaucoup moins avancée. 48,4% des adultes a reçu au moins une dose de vaccin, mais seulement 20,5% de la population majeure est complètement vaccinée, et bénéficie donc d’une bonne protection contre le variant indien.

Des appels à réduire le temps entre les deux doses

Après avoir refusé de suivre la stratégie britannique d’espacement des doses fin janvier, la France s’y est finalement résolue. Depuis le 14 avril, les deux doses de Pfizer ne sont plus espacées de 21 jours mais de 42 jours, idem pour Moderna qui passe de 28 jours à 42 jours. Là aussi, le même objectif : vacciner le plus de monde possible, même partiellement dans un premier temps.

Les appels à revenir à une stratégie de 21 jours entre chaque dose de Pfizer, et 28 jours pour Moderna, se multiplient dans la communauté scientifique. « Il est donc important de faire les secondes doses pour vaccin ARNm comme initialement prévu 3-4 semaines après la primo vaccination », écrit Eric Billy, chercheur en immuno-oncologie et membre du collectif Du Côté de la Science.

 

« Anticiper face au risque que représente le variant indien »

« Cette stratégie d’espacement a été décidée dans un contexte très différent : on manquait de doses et le variant indien n’avait pas fait son apparition. Abandonner cette stratégie, ce ne serait pas un aveu d’échec, mais une anticipation face au risque que représente le variant indien », rappelle le docteur Clarisse Audigier-Valette.

Mi-avril, la France recevait un peu moins de deux millions de doses de vaccin Pfizer par semaine, et près de 300 000 de Moderna. Au mois de juin, ces livraisons doivent doubler.

« Gagner 15 jours, ca peut être déterminant »

« Quand on voit les nombreux créneaux de réservation disponibles, c’est qu’on a assez de doses et donc les moyens de protéger ceux qui veulent être vaccinés. Il faut rapidement réduire à 28 jours l’espacement entre les deux doses pour protéger plus rapidement contre le variant indien. Ca paraît peu, mais gagner 15 jours peut être déterminant », ajoute la responsable de l’unité Covid du centre hospitalier de Toulon.

 

« Avoir un coup d’avance sur le variant indien »

En jeu, éviter une possible quatrième vague, et anticiper pour éviter de se retrouver dans la situation du Royaume Uni, qui pourrait reporter sa dernière étape du déconfinement. « Si on passe rapidement à 21 ou 28 jours, on peut espérer passer à 35% de vaccinés fin juin. Cela permettrait d’avoir un coup d’avance sur le variant indien qui risque de se propager cet été », espère le docteur Clarisse Audigier-Valette.

Selon Jean Castex, le gouvernement va, cette semaine « avancer sur différents sujets : la vaccination des enfants et adolescents de plus de douze ans, la question de l’organisation de la campagne de vaccination pendant l’été, et la question des personnes qui ont eu le virus, ont développé des anticorps ». Réduire l’espacement entre les deux doses afin de protéger plus rapidement contre le variant indien ne semble pas à l’ordre du jour.

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