CHIFFRES – Selon plusieurs syndicats, le gouvernement a prévu de faire de considérable économies sur le budget 2021 de la santé, malgré ses promesses à l’adresse des soignants dans le cadre du Ségur. Qu’en est-il vraiment ? Nous avons vérifié.
Le gouvernement est-il en train de donner d’une main pour reprendre de l’autre ? C’est en tout cas ce que pensent les syndicats, qui ne décolèrent pas. Selon eux, des coupes budgétaires pour le domaine de la santé sont prévues dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale de 2021 (PLFSS21) débattu depuis ce lundi 20 octobre à l’Assemblée nationale. Et notamment pour les hôpitaux.
Le Syndicat national des professionnels infirmiers a par exemple tweeté : « ‘Les suppressions de lits, les réductions d’effectifs, les économies, c’est terminé’, a dit Olivier Véran, avant de déposer au parlement le PLFSS2021 qui prévoit 1,4 milliards d’économies sur l’hôpital en 2021. » Idem pour la CGT, qui a accusé l’exécutif d’avancer des « chiffres trompeurs ». Ou pour la Fédération hospitalière de France (FHF), qui a décrié dans un communiqué publié le 6 octobre un projet de loi « qui ne semble pas tenir ses promesses ». Qu’en est-il réellement ? On fait le point.
Une information basée sur de faux calculs
Tout d’abord, d’où vient ce chiffre de 1,4 milliard d’euros ? Interrogé sur la question, le syndicat des infirmiers n’a pas su nous en préciser l’origine. Nos recherches permettent cependant de remonter à un article de Marianne. Publié le 9 octobre, il révèle qu’« après le Ségur, le gouvernement prévoit un nouveau tour de vis budgétaire », citant des économies « estimées à 1,4 milliard d’euros ». Une évaluation réalisée à partir du PLFSS de 2021, qui dicte les objectifs de maîtrise des dépenses sociales et de santé.
Sauf que depuis, le magazine est revenu sur ce chiffre. L’article admet désormais « deux erreurs » qui « s’étaient glissées » dans les calculs du journaliste. Il conclut qu’en corrigeant ces fautes, le montant d’économies prévu en 2021 tombe à « 900 millions d’euros ». Si cette démonstration leur appartient, ces « économies » prévues sont en fait toutes détaillées dans le PLFSS de 2021.
Compte tenu de la crise sanitaire, les attentes étaient grandes autour de ce projet de loi. Cette année, le PLFSS21 prend donc en compte aussi bien les dépenses exceptionnelles effectuées pour lutter contre le Covid-19 que le financement des promesses dans le cadre du Ségur de la santé. Ce qui se répercute sur l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam). C’est lui qui finance majoritairement – à 77% en moyenne – les hôpitaux. Il a donc été relevé de 7,6%. Un niveau « sans précédent » depuis dix ans, se félicite le gouvernement.
Le projet de loi note toutefois que « la trajectoire » de cet indicateur est celle de « la dernière loi de programmation des finances publiques ». Qui avait donc été votée avant la crise sanitaire. « Hors Covid », cet indicateur redescend donc à « 2,4 % », d’après une annexe. À titre comparatif, il était relevé de 2,2% en 2018 et de 2,6% l’an dernier. Tout en représentant des économies pour les établissements de santé. Car ce qu’il faut noter, c’est que chaque année, existe une hausse dite « tendancielle » des coûts de la santé qui s’explique, entre autres, par l’augmentation du coût des soins et par le vieillissement de la population. Quand l’Ondam augmente, elle ne vient que compenser la hausse « naturelle » des dépenses.
Pour savoir quelle sera cette progression, les élus disposent des recommandations de la commission des comptes de la sécurité sociale. Or, pour 2021, « la progression spontanée des dépenses de l’Ondam, hors effets de l’épidémie, est estimée à +4,2% ». Soit « une progression de l’ordre de 9 milliards d’euros ». Et c’est là qu’il y a insuffisance. Entre la hausse recommandée par la commission et celle envisagée par le gouvernement, manquent tout de même près de 4 milliards d’euros.
Des « mesures de régulation » de 805 millions d’euros en 2021
Des économies détaillées dans l’annexe 7 du PLFSS21 relative à l’Ondam et aux dépenses de santé. On y lit noir sur blanc qu’il est prévu un total de « 3.995 millions d’euros » en « mesures de régulation » pour l’année 2021 dont 805 millions rien que pour les hôpitaux. Cette gestion doit se faire en « structurant les parcours de soins efficients » et en « améliorant la performance interne des établissements de santé et médico-sociaux ». Un nouveau coup de rabot dans les budgets que n’ont pas manqué de relever les députés.
Un amendement de l’élu Pierre Dharréville est d’abord venu souligner que « comme les années précédentes » ces « mesures d’économies » ne sont pas à la hauteur du « contexte de crise sanitaire où il est nécessaire d’ouvrir des lits rapidement et d’embaucher du personnel ». Puis devant la Commission des affaires sociales, l’élu communiste de la 13e circonscription des Bouches-du-Rhône a souligné que « c’est ce problème qui nous a conduit dans le mur ». Un constat partagé même par la majorité, comme en témoigne cet extrait (à partir de 3:28:08). Le député Philippe Vigier a ainsi décrit un « trompe l’œil absolument évident », demandant « des éclaircissements ». Idem pour la députée Perrine Goulet qui a exhorté le gouvernement à donner ces explications, confiant que la question « l’inquiète largement ».
Interrogé sur la question, c’est finalement le nouveau ministre délégué aux Comptes Publics qui a répondu. Face aux députés, Olivier Dussopt a reconnu ce mercredi 21 octobre qu’« effectivement, il y a des mesures de régulation ». « Elles s’inscrivent, comme les années précédentes, dans la recherche de la pertinence, de l’efficacité des soins et de la réorganisation », a-t-il précisé, assurant avoir « veillé à ce qu’aucune de ces mesures ne soient de nature à détériorer la qualité des soins ».
Il n’y a donc pas à proprement parler de « plan d’économie » et encore moins à hauteur d’1,4 milliard d’euros. Mais il y a bien des « mesures de régulation » prévues depuis de nombreuses années qui représentent 800 millions d’euros d’économies structurelles en moins pour les hôpitaux mais elles doivent être comprises hors des dépenses exceptionnelles liées au Covid et hors des mesures attendues du Ségur de la Santé. Et, pour reprendre les termes de l’élue PS Valérie Rabault devant le ministre, « en bon français, ça veut dire des mesures d’économies ».