Les hospitaliers au secours du SAMU !

Le nouveau projet de loi sur la sécurité civile, proposé par le député Fabien Matras, crée des tensions entre le ministère de la Santé et celui de l’Intérieur. En cause, un glissement des missions du Samu vers les sapeurs-pompiers, considéré comme inacceptable par les responsables hospitaliers.

Depuis le 11 mai, l’Assemblée national examine la « Proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers », proposé par Fabien Matras, député du Var. Un texte de loi qui fait l’objet de vives critiques de la communauté hospitalière et hospitalo-universitaire.

Depuis le 8 mai, les têtes de pont du monde hospitalier font front uni avec l’envoi d’un courrier à l’ensemble des députés, membres de la commission des lois pour marquer leur inquiétude, pointer plusieurs « points d’alertes » et avancer une série de propositions. La Fédération hospitalière de France (FHF), la Conférence nationale des directeurs généraux de CHU, la Conférence nationale des doyens de facultés de médecine, celles des directeurs de centres hospitaliers (CH), des présidents de commission médicale d’établissement (CME) de CHU, de CH et de centres hospitaliers spécialisées sont cosignataires de ce communiqué avec Samu-Urgences de France (SUDF) et la Société française de médecine d’urgence (SFMU). 

Soins d’urgence

Au nombre des pierres d’achoppement du texte de loi : l’article 2, qui attribue une fonction de soins d’urgence aux pompiers, en plus du secours, « aux personnes présentant des signes de détresse vitale et/ou fonctionnelle justifiant l’urgence à agir ». Une décision inadaptée car « susceptible de constituer un élément de désorganisation dans la réponse aux besoins de santé de la population », s’élèvent les professionnels de santé. Ils rappellent à ce titre que toute mission de soin est la responsabilité des acteurs de santé et non pas des équipes de secours.

La carence ambulancière

Fabien Matras propose une définition de ce concept, dans l’article 3 : « des interventions qui ne sont pas effectuées dans le cadre d’un départ réflexe, ont lieu au domicile, sur le lieu de travail des personnes ou dans un lieu protégé, et qui ne nécessitent aucun geste de premiers secours, sont considérées comme étant des carences ambulancières ». Le député précise que ces carences « peuvent être différées dans le temps et requalifiées a posteriori selon des critères et modalités fixés par un décret en Conseil d’État ». Ce qui jugée inacceptable par le milieu hospitalier, puisque cela « remet profondément en cause le principe même de la régulation médicale ».

Par ailleurs, ces professionnels défendent l’introduction de tarifs nationaux de référence, considérant que c’est le seul moyen d’encadrer ce type d’intervention « afin de garantir la meilleure cohérence et visibilité sur le plan budgétaire ». Le rapporteur du texte de loi souhaite pour sa part que ces interventions soient prises en charge, financièrement, par les Agences régionales de santé (ARS) dont dépend l’établissement de santé siège du Samu. Les conditions et modalités de cette prise en charge doivent être définies par un arrêté conjoint des ministères de l’Intérieur et de la Santé.

Non à un 112 unique !

L’article 31 doit instaurer un numéro unique pour les appels d’urgence. Pour Fabien Matras, la gestion du Covid-19 a mis en lumière les faiblesses d’un système trop cloisonné. Le député précise qu’il s’agit de « l’un des chantiers majeurs qui s’impose désormais au plan européen. L’Europe préconise la création du 112 comme numéro unique depuis plus de 15 ans, il est donc important que la France applique cette directive et soit à l’avant‑garde de la construction de cette nouvelle étape européenne, conformément à la volonté du Chef de l’État ».

Pour le milieu hospitalier, un 112 unique « serait fortement préjudiciable à la réponse aux besoins médicaux d’urgence et, loin de répondre à l’ambition d’une plus grande efficacité, entraînerait une augmentation de la surcharge opérationnelle des sapeurs-pompiers et induirait des transports inadaptés vers les services d’urgences ».

Les opposants à ce texte, proposent de renforcer l’interconnexion et l’interopérabilité des systèmes d’information (SI) entre pompiers et urgentistes. Ils estiment que le problème du système actuel vient de l’obsolescence des SI des pompiers qui cause des dysfonctionnements et appellent à améliorer dans ce sens le nouveau service d’accès aux soins (SAS). Leur souhait est de voir étendre l’espace numérique commun à l’ensemble du territoire, comme il l’est déjà dans plusieurs départements tels le Nord, le Rhône, la Somme et la Moselle.

Un stage médical pour les pompiers

L’article 33 offre la possibilité aux étudiants en santé de faire un « stage d’étude aux côtés des professionnels médicaux exerçant dans les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) ». En retour, ces étudiants reçoivent le statut de « sapeurs-pompiers volontaires ». La volonté du député est de renforcer les liens entre la santé et la sécurité civile. Cependant pour les responsables hospitaliers ce stage n’a aucune plus-value formatrice. « Toute augmentation du nombre de lieux de stage se ferait au détriment des terrains de stage existants qui sont pourtant, souvent, indispensables dans les hôpitaux publics », indique le communiqué.

De plus, cette offre mettrait, selon eux, en danger la cohérence de la formation médicale : « le format proposé, six mois, ne correspond à aucun des stages offerts aux étudiants de médecine (maximum de trois mois dans les maquettes actuelles) » et « conduirait à ne pas valider des modules de formation (ou, au moins, à ne pas assister à certains cours) ».

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