Le patron des Hôpitaux d’Ile de France en colère

Le temps presse. Alors que le gouvernement est en passe de décider de mesures plus contraignantes que l’actuel couvre-feu pour briser la flambée des admissions en réanimation, le directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) tire le signal d’alarme . « Le virus n’est pas sous contrôle, le taux d’incidence est supérieur à 400, a-t-il alerté ce mercredi matin sur RTL. Il y a autant de malades en réanimation aujourd’hui qu’il y en avait au pic de la deuxième vague » (1.177 mardi soir). Selon lui « on est plutôt dans une phase d’accélération », et le niveau de la première vague pourrait être atteint le 6 avril (2.668 le 8 avril 2020).

Le 6 avril, selon les projections sur lesquelles se base l’AP-HP, il y aurait 2.000 à 2.800 patients en hospitalisation réanimatoire. Un nombre de malades « qu’on a eu du mal à prendre en charge il y a un an », a rappelé Martin Hirsch, dans une forme de litote, en soulignant aussi que « pendant plusieurs semaines on n’a pas pris en charge autre chose que le Covid ». Les déprogrammations sont aujourd’hui plus progressives, mais elles n’en restent pas moins risquées pour la santé des Français.

Les patients en réanimation sont plus jeunes et restent plus longtemps

De plus, la situation a fondamentalement changé depuis un an, puisqu’il n’y a plus de renforts possibles venus d’autres régions. Et les hospitaliers sont épuisés par un an de crise sanitaire. « Les soignants vont travailler 48 heures par semaine sans congé dans les deux ou trois semaines », a signalé Martin Hirsch. Heureusement, après une phase de flottement, « les cliniques prennent leur part autant que l’hôpital public et autant qu’en première vague », selon lui.

10 évacuations sanitaires en trois jours

Martin Hirsch a évité de dire qu’il fallait confiner, sans doute pour ne pas braquer l’exécutif. Il s’est contenté d’évoquer deux « hypothèses » qu’il « imagine » : soit un confinement le week-end comme à Nice ou à Dunkerque, qui devra alors être accompagné d’appels à une « très grande vigilance » en semaine, avec du télétravail et des tests à gogo, soit un confinement plus large, car « c’est plus tragique, on est plus tard ».

De toute façon, la situation va continuer à empirer car « d’ici 15 jours les mesures prises aujourd’hui ou demain n’auront pas d’impact », a-t-il averti. En effet, les malades n’arrivent pas tout de suite en réanimation après s’être infectés. Or l’AP-HP projette 1.700 à 2.100 patients Covid en réanimation dans 13 jours, le 30 mars. A rapporter avec un millier de lits de réanimation pour tous les patients en période calme…

Face à cette submersion annoncée, le gouvernement a annoncé la semaine dernière des transferts massifs de patients vers d’autres régions – une centaine cette semaine, notamment avec des TGV médicalisés. Mais les familles refusent de laisser s’éloigner leurs proches. Il y a donc peu d’évacuations. « On en a fait 10 en trois jours ! », a regretté Martin Hirsch, qui explique pourtant avoir promis de prendre en charge le train et l’hébergement pour ces familles. La difficulté tient aussi à ce que seuls 10 % des patients graves sont dans un état suffisamment stable pour envisager leur évacuation.

 

Transférer des patients, ou des soignants

De lundi à mercredi, a précisé Zaynab Riet, la directrice de la Fédération hospitalière de France, qui s’exprimait ce mercredi à l’occasion d’une conférence de presse, il aurait dû y avoir 6 transferts par jour depuis l’Ile-de-France. De plus, un TGV de 24 patients était prévu ce jeudi. « L’avis des familles est sollicité et elles souhaitent garder leurs proches auprès d’elles », a-t-elle expliqué, en soulignant qu’il y a un an, on ne leur demandait pas leur avis.

Autre région en souffrance, les Hauts-de-France ont évacué 100 malades, la plupart vers d’autres départements de la région, sauf 10 partis à l’étranger et 15 dans d’autres régions.

« Cette solution des transferts ne peut être que temporaire, car la totalité de nos réanimations sur l’ensemble du territoire national est quasiment à saturation », a également insisté la représentante des hôpitaux publics. Faudrait-il plutôt transférer des soignants vers les zones en tension ? « Pourquoi pas », a-t-elle répondu, à condition que l’on ne déshabille pas un hôpital public pour habiller l’autre, et qu’on aille plutôt chercher des personnels dans le secteur privé ou parmi les retraités.

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